Retour

 

Discourt pour le départ à la retraite de JP HAVRIN – Décembre 2007

 

Chers amis,
Chers collègues,

Merci pour votre présence. Je n’ignore pas vos contraintes professionnelles et personnelles. J’apprécie d’autant plus les efforts que vous avez consentis pour participer à cette soirée.

Cette soirée aura un seul thème. Un homme sera mis à l’honneur, il s’appelle Jean-Pierre HAVRIN. Vous êtes nombreux à le connaître. Vous l’avez côtoyé à un moment de votre vie. Je me propose de vous le faire découvrir un peu plus.

Jean-Pierre,

Tu es né le 2 décembre 1947 à Saint Germain du Puch en Gironde et, comme tu le dis si bien, d’un père œnologue et d’une mère poule.

Au sein d’une famille qui comptait deux sœurs et un frère, tu as passé une jeunesse heureuse dans la France profonde, celle de l’après- guerre, celle de l’école communale, celle des enfants de chœur, celle du pensionnat, celles des premières découvertes…

Tu as été moniteur de colonie de vacances. Tu as développé ton goût pour la convivialité. Tu t’es essayé à la chanson. Avec un groupe, tu as écumé le bordelais. Le public n’était pas forcément au rendez-vous. En revanche, il t’est resté un sacré répertoire de chansons paillardes.

Côté étude, l’échec au bac te perturbe moins que ta famille qui avait fondé des espoirs en toi. Le repasser, tu ne le voulais pas. Tu t’es mis alors en quête d’un métier. Tu t’es laissé attendrir par les sirènes des bateaux, celles de la Marine Nationale. Pour les plus jeunes d’entre vous, une publicité militaire de l’époque répétait en boucle « engagez-vous, rengagez-vous, vous verrez du pays ».
En 1967, tu as poussé la porte du bureau de la Marine et le très affable officier recruteur t’a juré que tu ferais une belle carrière. Avec ton niveau bac, tu finirais au moins amiral. Tu en as pris pour cinq ans au grand dam de ta mère.

Tu n’es pas parti à l’aventure et tu n’es jamais monté sur un bateau. On t’a mis la boule à zéro et on t’a appris à marcher, à chanter, à obéir et tout doucement à détester un monde qui ne te convenait pas.

A l’issue de ta formation, tu as été affecté à la base aéronavale de Dugny le Bourget, endroit où il n’y a ni eau ni bateau. De suite, tu as voulu quitter cette vie. Tu t’es lancé dans les cours par correspondance. Tu repasses mon bac et tu le réussis. Tu ne t’arrêtes pas là. En 1969, tu t’inscris en fac à Nanterre. Tu passes ton DEUG et puis ta licence. Tu te lies d’amitié avec des copains de fac qui deviendront des amis et qui le sont toujours aujourd’hui pour certains d’entre eux, comme Ange Mancini. Tu découvres également la contestation, tu t’essayes au lancer de pavé sur les CRS et tu respires à plein poumon les gaz lacrymogènes, un entraînement pour plus tard.

Tu es heureux quand tu quittes la Marine. Tu t’essayes dans une banque puis chez un transporteur routier. Ta destinée n’était pas encore arrivée. Pendant ces périodes de disette, Marie-Françoise, celle qui allait devenir ta femme, a toujours été à tes côtés et encouragé à aller de l’avant.

Sur les conseils d’Ange Mancini et soutenu par ton épouse, tu rentres dans la Police. Tu deviens enquêteur. Avec zéro jour de formation, tu es affecté au commissariat des Enfants Rouges à la Préfecture de Police. Tu découvres le tutoiement professionnel, ton premier taulier, l’expression « fermer les portes » sur un procès-verbal, les lendemains de pleine lune au bureau des plaintes, la morgue et sa misère humaine, le constat d’adultère…et j’en passe.

Tu continues à la fac. Tu obtiens ta maîtrise. Tu réussis ton concours d’inspecteur. Après trois mois de formation à Beaujon, ancienne école de la préfecture de police, tu te retrouves à la Brigade Financière.
Tu persévères et tu passes avec succès le concours de commissaire. Après deux ans d’école à Saint-Cyr au Mont d’Or, tu deviens chef de service dans une région inconnue pour toi, celle du froid et des brumes, celle du Nord de la France. Tu atterris à Saint-Amand-les-Eaux, à la frontière belge. A trente ans, tu es à la tête d’un service d’une quarantaine de policiers. Tu comprends que tu es fait pour ce métier. L’expérience de ton premier poste restera déterminante pour ta carrière. Tu fais tes premières armes en maintien de l’ordre et tu ne restes pas insensible à la détresse humaine.

Pas content d’aller dans le Nord pour ta première affectation, tu seras cependant triste de le quitter pour aller à Annecy. Grâce à une sacrée équipe de collaborateurs, tu t’habitues à ta nouvelle vie. Tu pratiques la police à l’ancienne, habituée aux coups de gueule, aux planques et aux restos après les affaires réussies. Tu passes au grade de commissaire principal.

On te demande d’effectuer une étude sur le commandement au profit du syndicat des commissaires. Non seulement tu adhères au projet et mais tu te lances dans le syndicalisme. Tu commences à faire avancer tes idées.

Tu voulais intégrer le RAID mais tu te heurtes à un veto familial. Alors tu restes à Annecy et tu continues à faire ton métier. Au bout de six ans, tu t’en vas à Cahors. Tu reviens dans ta région, le Sud-Ouest. Pour l’anecdote, après la visite du Pape à Annecy, tu organises celle  du Président de la République à Figeac.

Le syndicalisme te chatouille. Après le poste de secrétaire national, tu es élu secrétaire général en 1989. Tu défends le corps des commissaires mais surtout tu as l’occasion de mettre en avant tes conceptions novatrices. Tu t’y consacres à plein temps. Tu revendiques la police au service du citoyen. Tu crées une fédération syndicale. Tu es l’organisateur d’un fait d’arme : la manif de la pelouse de Reuilly, lieu où les Commissaires, Inspecteurs et Enquêteurs ont exprimé leur ras-le-bol un jour de 16 novembre 1991. Tout le monde n’a pas apprécié et tu as failli être viré de la Police.

Après trois ans de bon et loyaux services au syndicat, tu retournes sur le terrain à Nîmes comme commissaire divisionnaire et Directeur Départemental de la Sécurité Publique. Tu apprécies cette ville où côtoie soleil et tauromachie. En 1997, la dissolution de l’assemblée nationale change ta vie.

Tu es appelé par le Ministre de l’Intérieur pour devenir son conseiller en sécurité. Tu travailles au Cabinet Ministériel et tu touches du doigt les ors de la République. Les idées ont toujours été effervescentes en toi. Tu développes le concept de « police de proximité ». Tu vends cette idée au ministre qui l’achète. Elle oblige la police à faire le grand écart mais elle est bien accueillie par la population. Au sein de notre maison, tu n’as pas que des adeptes. Tu t’exposes et tu deviens un symbole. La vie au ministère t’éloigne du terrain et tu aspires à y retourner. Tu deviens contrôleur général et directeur départemental de la Sécurité Publique, cette fois-ci à Toulouse en 1999.

En 2001, la police change de cap et adopte la culture du résultat. L’investissement sur le long terme est oublié. Il faut des résultats immédiats. En 2003, pour confirmer cette nouvelle politique, tu fais l’objet d’un reality show. En direct devant les caméras de télévision, tu apprends ta disgrâce. Il fallait atteindre un symbole et ce fut fait. Tu deviens alors chargé de mission auprès du Directeur Général et tu t’occupes à plein temps de la Fédération Sportive de la Police Française. Les guignols de l’info diront de toi que tu es devenu le nouveau prof de sport de la police nationale.

Fort honnêtement, tu as toujours dit que tu ne connaissais pas la FSPF avant 1999, année où tu découvres le sport associatif policier. De suite, tu adhères à la cause et tu deviens président de la ligue Pyrénées. Tu n’as jamais été un sportif de haut niveau mais cependant tu as toujours pratiqué le sport pour t’entretenir voire plus. Tu as grimpé en vélo tous les cols pyrénéens et tu as également taquiné le ballon ovale. Tu as l’esprit sportif et l’envie de vaincre.

Jean Martinez, l’ancien président de la FSPF, te propose de présenter ta candidature à la présidence de l’Union Sportive des Polices d’Europe. Tu te jettes dans le combat sans connaître vraiment toutes les subtilités européennes. Se battre entre français, ce n’est pas facile mais au sein de quarante pays la partie était loin d’être gagnée. Avec l’aide des Suisses et des Allemands, tu es élu président au congrès d’Athènes fin 2000. Immédiatement, tu te prends en pleine face les rancoeurs des uns et des autres et surtout tu risques d’être mis en minorité.

Tu dois trouver une solution pour sortir de cette situation. Tu organises l’année suivante en France un congrès extraordinaire pour calmer toutes les passions. Il se déroule en même temps que le Championnat d’Europe Police de Natation et cela amuse beaucoup tes collaborateurs.

Dans la lancée, tu es élu Président de la FSPF en 2001 à Marseille. Tu n’étais pas un inconnu. Tout le monde se souvenait de toi quand d’autorité tu as revendiqué l’organisation du Championnat de France de Cyclisme en 2000 à l’Assemblée Générale de Sens.

Tu as mené parallèlement tes deux postes de président avec la même envie de faire évoluer les idées et les structures. Au sein de la FSPF, tu as défendu le professionnalisme. Tu as imposé la réforme des structures. Tu es heurté aux hommes et aux femmes qui la refusaient ou qui ne pouvaient la mettre en œuvre. Avec ton expérience, tu as anticipé les coups et flairé les dangers. Tu as su t’imposer quand il le fallait et négocier quand cela était nécessaire. Tu as été réélu en 2005 et tu as continué ton investissement. En sept ans, la FSPF a tellement changé que ne pas le reconnaître serait un mensonge.

Au sein de la l’USPE, il en a été de même. Réélu en 2004 à Varsovie, tu as imposé également le professionnalisme avec certes un rythme plus lent. En Europe, pour faire adopter une idée, il faut toujours négocier auparavant avec les anglais, les scandinaves, les germaniques, les balkaniques, les latins et les pays de l’Est. Tu en as passé de longues soirées à convaincre tout ce beau monde. Ton foie s’en souvient encore. Ton mandat s’achèvera en octobre 2008 au congrès de Paris.

Jean-Pierre, tu as mené tous tes engagements avec passion, que ce soit dans la Police, le syndicalisme, la FSPF ou l’USPE. Tu es un visionnaire plus qu’un gestionnaire. Tu préfères la franchise au machiavélisme. Tu as le sens de la relation humaine et tu t’es toujours efforcé de montrer l’exemple.

Je ne veux pas oublier Marie-Françoise, ta fille Gaëlle et ton fils  Hugo pour tous les moments que tu as passés à nous rendre service et pendant lesquels tu étais absent de chez toi.

Jean-Pierre, je te remercie pour tout ce que tu as fait pour nous. Tous les amis ici présents et moi-même te souhaitons une très bonne retraite. Tu t’en vas en faisant valoir tes droits mais sois certain que nous ne t’oublierons pas. En témoignage de notre amitié, accepte ce cadeau qui je suis sur te fera plaisir.

Jean-Pierre, encore une fois merci pour tout.